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Les mots d'essence
27 septembre 2014

Déités

Imaginez que les mots disparaissent. Plus aucun n'a de sens. Et n'en a jamais eu. Le monde s'emplit, d'une montagne de choses sans dénomination.

Je devais avoir une dizaine d'années lorsque j'ai posé cette question : « Comment réfléchissent les sourds/muets ? ». Ils ont des pensées, forcément. Mais leur forme m'échappe. Moi qui formule tout. Moi qui recherche toujours le terme exact. Moi qui savoure longuement les mots que je découvre.

Les théories mathématiques, les biographies, les pièces de théâtre, les concepts anthropologiques … toutes ces choses disparaissent. Mais aussi les introspections les plus banales. Et les sentiments, surement. Nous ne naissons avec la palette de sentiments dont nous faisons étalage. Ils sont travaillés au cours de notre socialisation. Ils sont acceptables et acceptés parce que définis d'une manière commune. Par les mots.

L'amour n'est pas universel. La haine, la colère, l'envie, le respect … Ces choses sont grossières et bien trop puissantes. Seul le langage les tient en respect.

Et pourtant, parfois j'envie ceux qui n'ont pas de mots. Sans eux, je pourrais toucher au repos. Sans être agitée par un « bonjour » dans la rue. Par un surnom que me donne une connaissance. Par des critiques, ou des louanges, qui me sont rapportées.

Photo de soirée, donc couleurs peu exactes ...

Et sans les mots, pas de tradition culinaire française. Celle-ci est particulière par son ancrage littéraire. Elle est précis car écrite – et merci M. Escoffier, et tous les autres.

Depuis plus d'un an que je la touche vraiment du doigt, j'entends parler de « jus ». Avec envie. Dont acte. Je n'oublierais jamais le regard étonné-ravi du boucher à qui une petite rousse d'allure hippie demandait des os, pour accompagner ses rognons



Rognons à la moutarde, ma version

Pour 4 personnes, mais 3 sans (aucun) problème).

Pour le jus

  • Environ 400 g de parures de veau (dont des os à moelleà

  • 1 oignons

  • 1 gousse d'ail

  • 1 carotte

  • 1 poireau

  • 1 branche de persil plat

  • 1 branche de thym

  • ½ feuille de laurier

  • 10 cl de vin blanc sec

  • 2 grains de poivre noir

  • 20 cl de bouillon de volaille (maison ou le meilleur possible)

  • Huile d'arachide

Pour les rognons

  • 2 beaux rognons de veau (400 g pièce environ)

  • QS de champignons de Paris (400 g pour moi je pense)

  • Moutarde à l'ancienne

  • Fécule type Maïzena (fac. - dépend de la réduction du jus)

  • Persil plat

Modus operandi

  • Couper en petits morceaux les parures de veau.(Nécessité d'avoir un bon, gros et lourd couteau, et pas trop peur …)

  • Peler l'oignon, l'ail et la carotte. Les couper en morceaux d'1 cm de côté. Émincer le poireau, sauf une feuille. Réaliser un bouquet garni en entourant les herbes de cette feuille.

  • Se munir d'une bonne casserole ou sauteuse, y verser de l'huile d'arachide et saisir les parures à feu vif. Elles doivent avoir une belle coloration, et commencer à accrocher. Si elles rendent trop de gras, vider l'excédent.

  • Déglacer avec la moitié du vin. Faire accrocher à nouveau et déglacer une deuxième fois, avec le reste de vin, en ajoutant les légumes.

  • Faire accrocher une troisième fois, et déglacer avec la moitié du bouillon. Ajouter le bouquet garni et le poivre.

    Baisser le feu. Laisser à petits frémissements pendant trois heures minimum en rajoutant parfois du bouillon pour garder un volume de liquide constant. Écumer régulièrement.

  • Passer au chinois fin, en appuyant pour bien extraire tout le jus. Réduire le jus à consistance souhaitée (environ au tiers pour moi).

Préparation finale

  • Dégraisser les rognons (si besoin), ôter la membrane qui les entoure. Les dénerver et les découper en bouchées (en suivant à peu près leurs « démarcations » naturelles).

    Saler, poivrer.

  • Laver et découper (ou pas) les champignons, selon leur taille.

  • Faire revenir rapidement les rognons (3 à 5 min max.) dans une poêle sur feu vif. Les réserver au chaud (sur une assiette avec double papier absorbant dessous, dans un four à 65°C pour moi).

  • Faire revenir les champignons de Paris à la poêle environ 3 min. Ajouter le jus de veau et 1 cuillère à soupe de moutarde. A partir de là ne plus faire bouillir. Goûter et rectifier en moutarde si besoin. Ajouter 2 càs de fécule (diluée dans un peu d'eau) si la sauce semble trop liquide.

  • Mettre les rognons dans la sauce juste pour les réchauffer, en vérifier la cuisson, juste rosée (« à la goutte de sang » : théoriquement une goutte de sang doit sortir d'un morceau coupé en deux). Rectifier l'assaisonnement.

  • Servir immédiatement, en ciselant dessus du persil plat.

    (Ici avec des dés de courgettes juste revenus à l'huile d'olive, sel, poivre, et cuits à couvert une dizaine de minutes)

rogons2

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Commentaires
E
Ah! La puissance du verbe... C'est fascinant, n'est-ce pas? En attendant d'y réfléchir, je me délecte de l'image de votre plat!
D
je ne suis pas un grand amateur de moutarde mais avec cette recette et aussi photos je me laisse convaincre de l'utiliser.
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