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Les mots d'essence
2 juillet 2011

Ce qui ne se dit pas et le Bettelmann

J'ai compris depuis longtemps que certaines choses ne se disent pas.

Parce que les mots sont plus beaux lorsqu'ils ne sont pas prononcés.

Parce que formuler certaines choses, décrire ce que l'on ressent et ce que l'on croit et perçoit avec des mots, devant des humains parfois étriqués, distraits ou moqueurs peut gâcher la pensée la plus importante.

Voilà pourquoi je ne parle pas de certaines choses. Et lorsque j'en parle, je le regrette par la suite.

Et c'est pour cela que j'ai du mal à parler de ma grand-mère.

Parce que ma grand-mère est plus qu'une simple aïeule.

Si elle est la grand-mère parfaite, incarnation de la tendresse un peu rigolarde que l'on imagine dans ce lien familial, je vois parfois en filigrane la femme et la jeune fille.

Parce que ma grand-mère parle de tout et de rien, parce qu'elle sait les touts et les riens de la vie du village mais qu'elle ne médit jamais.

Parce que ma grand-mère fait aussi silence sur certaines choses, qu'elle ne répond pas à des question que de toute façon je n'ose pas poser.

Mais parce que par quelques mots, quelques souvenirs, une phrase en l'air, lâchée comme par hasard ou erreur, je devine que la jeune fille d'autrefois, j'aurais aimé l'avoir comme amie. Car ses mots dessinent des concordances étonnantes, comme si la génétique, le sang ou les silences savaient charrier des goûts communs au fil des générations.

Ma grand-mère cuisine aussi magnifiquement bien. Évidemment, chacun pense un peu ça, dés lors que l'on a grandi avec ses repas. Parce que notre goût a été éduqué par ce biais et que certaines saveurs resteront les vraies, pour toujours.

Moi, je ne prend jamais de pâtes carbonara au restaurant, parce que les seules vraies sont celles de ma mère, aussi peu authentiques et italiennes soient-elles.

De même, les bouchées à la reine ne sont jamais aussi goûteuses que celles de ma grand-mère.

Mais au-dessus de mon goût qu'elle a éduqué, tous ceux qui ont goûtés ses bredele, qui sont depuis deux ans de dignes représentants de l'Alsace culinaire à Lyon, peuvent abonder dans mon sens: il s'agit de merveilles.

 

Alors voilà, entre autres, une de ses recettes. Parce qu'en plus, elle n'est pas cachottière et offre à tous ses secrets de famille, qui n'en sont pas, dans la seule volonté de partager les bonnes choses.

Chez nous, on ne fait ni tartes , ni clafoutis avec les cerises car une spécialité les a supplanté. D'ailleurs « spécialité » n'est peut-être pas exact car le mendiant aux cerises existe un peu partout.

Mais ici, on l'appelle Bettelmann et, dans un chauvinisme déclaré, je le déclare supérieur.

Ceci étant dit, qu'est-ce dont que cette bête?

Le bettelmann (prononcé approximativement « baddelmone ») est donc un mendiant, habituellement composé de restes de pain ou de brioches rassise, d'un fruit (très généralement la cerise mais la pomme rend bien aussi), de cannelle et de divers ingrédients qui forme sa pâte, odieusement fondante et présentant de multiples textures. Car le Bettelmann, lorsqu'il est réussi, est rendu odieusement addictif par la différence de chaque fourchetée: la cerise qui se défait en plus ou moins grande quantité, la pâte compacte ou lâche, fondante ou résistante...

Ici, il s'agit donc de la recette familiale avec, je l'avoue, des photos qui sont celles de son bettelmann. Parce que moi, je n'en fais pas.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je fais rarement les recettes que ma grand-mère maitrise mais, pour ce qui est du bettelmann, c'est bien simple. Il n'y a simplement jamais de brioche qui a le temps de rassir chez nous. Chez ma grand-mère non plus mais, de même que pour le pain perdu, elle achète alors du pain dans le but de le rassir.

Points de discussion:(parce que, comme toutes spécialité récurrente, il y a des écoles. Et dans le cas du bettelmann, j'ai su choisir mon camp, ce qui est rare!)

  • Avec ou sans noyaux?

Sans, ouvertement. Ne riez pas, le goût est différent. Mais la majorité des gens soit préfèrent avec les noyaux, soit ont la flemme de les ôter. Je ne me régale donc de bettelmann dénoyauté que lorsque les cerises sont trop « visités » pour les laisser entières?

  • Quel pain?

Techniquement, ce qu'on a sous la main. Donc cela va de la biscotte (oui, c'est faisable), au reste de chinois au chocolat. Dans ma famille nous sommes convertis à l'option « pain au lait ». Franchement le meilleur équilibre pour moi...

Pour le bettelmann « version Suzanne »

Suzanne n'est pas le nom de ma grand-mère... Je ne sais donc d'où viens la recette!

Cette recette est tirée d'un des petites fiches de ma grand mère... Autant dire qu'elle est extraordinairement succincte, celles-ci se composant d'une liste d'ingrédients et de la cuisson!

Pour le moule, il s'agit d'un grand moule en pyrex, de ceux où on peut faire rôtir un poulet. (Non, ma grand-mère, quand elle cuisine, ne lésine pas.) Après mesure, le plat est un ovale d'environ 30cm sur 20cm avec 5 cm de profondeur!

DSCF4139

  • 400 g de brioche ou pain, desséché ou un paquet de biscottes.

  • 1 l de lait chaud (selon la brioche)

  • 3 càs de sucre + 1 sachet de sucre vanille

  • 3 càs de confiture (gelée de groseille : facultatif mais nous on met)

  • 3 càc de cannelle

  • 1 pomme épluchée coupée en petits dés

  • 1 kg de cerise (dénoyautées ou non, selon votre préférence)

  • 3 œufs

  • le jus d'½ citron

  • 1/2 càc de levure chimique

  • 1 càs de rhum (facultatif aussi)

  • De la chapelure et du beurre en petits dés

DSCF4152Modus operandi (qui ne remplace pas l'habitude d'une grand-mère!)

  • Laissez rassir le pain/brioche, après l'avoir coupé en tranches, durant un ou deux jours.

  • Effritez alors les tranches dans un grand saladier. Ajoutez les sucres puis le lait chaud (mais pas trop pour ne pas cuire les œufs, plus tard), mais pas en une fois.

    Tournez avec une cuillère en bois: il faut suffisamment de liquide pour que le pain s'imbibe bien sans être trop mouillé... Un peu comme pour le pain perdu. Laissez tremper ¼ H avec un couvercle

  • Ajoutez la cannelle et les dés de pomme, arrosés de citron pour ne pas noircir.

    Puis ajoutez la gelée, si vous avez, et les jaunes d'œufs. Mélangez bien et ajoutez la levure et le rhum. Mélangez bien, mettez les cerises et mélangez bien de nouveau.

  • Ajoutez délicatement les blancs d'œufs montés en neige ferme.

  • Beurrez le plat et versez dedans la préparation que vous égalisez. Parsemez par-dessus une fine couche de chapelure et des flocons de beurre.

  • Enfournez pour 1H30 à th 5 (150°C). Une aiguille doit ressortir sèche, mais attention à ne pas trop l'assécher!

N'essayez pas de le démouler: le Bettelmann se découpe en tranches directement dans le plat!

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Commentaires
C
J'ai déjà adapté cette recette avec d'autres fruits, comme des mirabelles ou des poires! Donc sans problème! Mais attention; la résultat n'a jamais été vraiment aussi délicieux. Car il faut faire attention au pain/brioche utilisé en fonction du fruit et surtout du sucre mis en jeu. Les cerises de ma grand-mère étant trèèèès sucrées, il y a peu de sucre dans cette recette. De même, si tu mets du pain, il faut augmenter la quantité... etc...<br /> <br /> (Dans le genre "recette de ma mère-grand à tester absolument" il y a aussi le Hurzelsknopf! Là, on tombe accro...)
H
Aaah, le fameux Bettelmann ;) Moi aussi ça m'a intriguée, je me suis dit que quitte à passer chez toi autant y jeter un coup d’œil ! Mais à vrai dire, je ne suis pas fan des cerises dans les desserts, tu penses qu'on peut les remplacer par autre chose...framboises, myrtilles ?! Merci d'avance - et bon week-end !
C
Et je peux jurer que le goût est supérieur à l'apparence!
G
Ah le voila le fameux dessert - je dois avouer que ce nom m'intriguait - ravie de voir sa tete, qu'il a plutot sympathique.
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